C’est lors de notre événement Gaming Queens, un rendez-vous 100% en ligne pour mettre à l’honneur les femmes dans le jeu vidéo et sensibiliser aux thématiques de mixité et de diversité que nous avons parlé d’emploi dans le jeu vidéo avec Caroline Chavier, CEO de The Allyance, un cabinet français de recrutement spécialisé dans la tech et la diversité.

Depuis nous avons noué un partenariat avec le cabinet en proposant aux membres de l’association à la recherche d’emploi dans le jeu vidéo, des sessions de coaching carrière permettant de les guider dans leur recherche. Retour sur les conseils pratiques de Caroline pour trouver un emploi dans la Tech et le jeu vidéo.

Table des matières

Quelle est la différence entre se faire embaucher dans la tech et candidater dans un autre secteur ?

Selon moi, la différence vient du fait que les codes de recrutement dans la tech (Écosystème qui travaille sur les outils du numérique, c’est-à-dire qui regroupe « tous les métiers qui sont autour d’outils numériques« . Ne se limite pas uniquement aux startups.) sont très formalisés. Le processus commence généralement par un premier échange avec un.e recruteur.euse puis des tests techniques avant d’envisager une rencontre avec l’équipe technique à intégrer.

Une autre différence est que la tech est un secteur qui recrute. On parle de compétences en tension parce qu’il n’y a pas suffisamment de personnes pour répondre aux besoins du marché de l’emploi. Ainsi, ce ne sont pas seulement les entreprises qui vont choisir leurs candidat.es, ce sont aussi les candidat.es qui vont choisir leur entreprise. 

C’est aussi un secteur qui change très vite, de par l’avancée et/ou l’émergence des technologies. Il faut donc constamment se tenir à jour (veille technologique).

Les entreprises du jeu vidéo et de la tech, sont-elles réellement sensibles à l’inclusivité ?

Je dirais que certaines entreprises ont compris que l’inclusion est un enjeu stratégique, voire humain.

Il existe des entreprises qui font un travail cosmétique sur la diversité en la considérant presque comme un argument commercial. Cela étant dit, le sujet de l’inclusivité est tout de même abordé. 

Le cas des entreprises qui y pensent trop tard et se retrouvent devant le fait accompli est également présent. La configuration inverse se retrouve tout autant : des entreprises qui mettent en place des mesures favorables à la diversité, mais qui fonctionnent difficilement à cause de collaborateur.trices problématiques ayant un pouvoir de décision.

Être une personne non-blanche est-il un frein pour trouver un emploi dans la tech et le jeu vidéo ?

J’ai été très tôt exposée à la diversité dans mon enfance et durant mon parcours scolaire. J’ai vite remarqué que mes camarades de classe non-blancs avaient plus de mal que moi à trouver un emploi.

Dans mon parcours pro, j’ai beaucoup discuté avec des personnes issues des minorités et noté qu’elles faisaient face à des problématiques spécifiques du fait de leurs origines. Cette étude du Ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion sur la lutte contre les discriminations permet d’appuyer notre propos selon lequel une identité à consonance étrangère a moins de chances d’être contactée qu’une identité à consonance européenne.

J’essaye d’être une alliée pour aider les chercheur.euses d’emploi à ne pas se décourager, mais ce n’est pas aux minorités de s’adapter. C’est aussi le travail des recruteur.euses et des managers de faire ce travail personnel de déconstruction de leurs biais inconscients.

Candidatures spontanées ou réponses aux offres existantes ?

Les candidatures spontanées fonctionnent dans les petites structures, notamment en l’absence d’équipes dédiées à la gestion et au maintien des annonces de postes. Lorsque l’entreprise visée a un site carrière ou des espaces dédiés comme ceux de Welcome to the Jungle, il faut les absolument privilégier.

Une bonne candidature spontanée est très ciblée sur les compétences et le contact : il faut arriver à trouver une personne dans l’entreprise qui serait intéressée par le CV.

Comment se démarquer des autres candidat.es qui souhaitent travailler dans le jeu vidéo ?

Faire une liste de toutes les choses sur lesquelles on a bossé, que ce soit dans le milieu professionnel, dans le milieu associatif et dans la sphère privée quand cela s’y prête (lancement d’une chaîne Youtube/Twitch, animation d’un canal Discord, réalisation de projets personnels) et être capable d’en parler (processus de création/mise en place, difficultés rencontrées, solutions apportées, …).

Faire ressortir son unicité, ce qui rend la candidature différente des autres (portfolio, chaîne de streaming, …). Une autre manière d’y parvenir est de demander à l’entourage, y compris professionnel, de répondre à la question « À quoi tu penses quand tu penses à moi ? ».

Se renseigner sur les valeurs de l’entreprise, son actualité avant de candidater pour définir une stratégie de candidature (Candidatures spontanées ?  Cooptage ?)

L’Agence Française pour le Jeu Vidéo est la référence en France pour la recherche d’emploi et se tenir à jour sur les dernières actualités du secteur du jeu vidéo.

Pour être plus spécifique dans le milieu du jeu vidéo, les entreprises du secteur ont le luxe de choisir parmi les candidat.es, contrairement aux autres filières de la tech. Il est donc primordial de bien se présenter, de pouvoir parler en détail de son parcours et de ses compétences. Et il faut s’entraîner. À l’oral soit en s’enregistrant soit en faisant une simulation d’entretien avec des proches. Techniquement en fonction des compétences, pour les exercices techniques de l’entretien, sur des plateformes de programmation (CodinGame, HackerRank).

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Quels sont les profils recherchés pour un emploi dans le monde de la tech ?

Nous avons :

  • Le développement informatique de façon générale qui est très recherché. Cette demande est renforcée par tous les programmes de reconversion et de formations qui existent.
  • Le « Design » prend énormément d’ampleur, que ce soit de l’UI (User Interface en anglais) ou de l’UX (User eXperience en anglais). Tous les métiers qui s’y rapportent sont en augmentation.
  • Le Growth Hacking est également une tendance.
  • Impossible de ne pas mentionner l’IA, la science des données et l’analyse des données ainsi que tous les métiers qui y sont rattachés.
  • N’oublions pas le management de projets techniques où il existe énormément de possibilités.
  • Le domaine de la cybersécurité recrute beaucoup.

Quels outils pour se faire recruter ?

En tant que recruteuse, je passe surtout par les réseaux sociaux

  • LinkedIn : très pratique pour faire du réseautage et prendre contact. Il faut y privilégier les invitations avec un message clair et bref
  • Twitter : communauté très réactive, possibilité de taguer des comptes et des personnes influentes
  • Twitch : possibilité de se créer des contacts
  • Facebook, Telegram : groupes d’entraide communautaire
  • Discord, Slack : canaux dédiés aux offres d’emploi

En France, les sites d’offres d’emploi dans l’informatique et le digital tel que Welcome to the Jungle ou les Jeudis (anciennement les Jeudis de l’Informatique) fonctionnent très bien.

Il faut oser écrire aux gens, envoyer des messages brefs, poser des questions claires, particulièrement pour les étudiant.es. Beaucoup de professionnel.les sont ravi.es de pouvoir échanger sur leurs métiers et de rencontrer d’éventuel.les collaborateur.trices.

Les softs skills, la fausse bonne idée

Les softs skills, anglicisme désignant des compétences comportementales, c’est-à-dire des aptitudes qui ne sont liées ni à un métier ni à un contexte technique particulier. Ils permettent de faire la différence entre plusieurs candidat.es, CV ou entretiens. Cependant, en dérivant sur la vie personnelle, les risques de discrimination augmentent. Dans la mesure du possible, il faut parler métier ; beaucoup de sujets peuvent faire consensus tout en restant professionnels.

Comment créer un CV adapté au secteur du jeu vidéo ?

Le CV vidéo peut être très puissant à condition qu’il soit bien fait. C’est également une excellente façon de se démarquer, en capitalisant sur le buzz généré (likes, retweets, …).

Concernant le CV papier, la longueur n’est pas importante, car c’est la qualité du contenu qui prévaut. Cependant, beaucoup de personnes ne prennent pas le temps de lire plus d’une page (Les recruteur.euses ne passent en moyenne que six secondes sur un CV). Il faut donc qu’il soit facile à lire. Voici la structure globale conseillée :

  • premièrement nous indiquant le nom, le prénom, les réseaux sociaux, les informations de contact
  • une section « en recherche de… » afin de faire rapidement comprendre  aux recruteur.euses ce qu’on recherche (stage, alternance, poste à temps plein, etc.) et à quoi se raccrocher lors de l’évaluation de la demande
  • la liste des outils techniques utilisés, éventuellement ceux qui sont connus, ainsi que la liste des compétences sans oublier les compétences linguistiques
  • la liste des diplômes et/ou parcours académique
  • une section par expérience professionnelles avec les durées, la dénomination du poste  et une description courtes des projets menés avec idéalement, des résultats chiffrés

Les références spécifiques au jeu vidéo

Toutes les boîtes productrices de jeux vidéo, peu importe le type, ont généralement des sites carrière. Pour les jeux mobiles, en regardant les données de publications des stores, il est possible de récupérer des noms d’entreprises auprès desquelles candidater.

L’Agence Française pour le Jeu Vidéo est la référence en France.

Le site de la Game Developers Conference, en anglais, donne beaucoup de détails du milieu.

Quels conseils pour une reconversion dans le secteur du jeu vidéo ?

Mettre en lumière les projets de développement faits à l’école et veiller à bien soigner la présentation des stages le cas échéant. Ne pas oublier les projets personnels pertinents (création de jeux vidéo, développement de programmes, dessins, …) en les mettant éventuellement en ligne (une vidéo montrant le gameplay d’un jeu vidéo par exemple).

Les objectifs principaux :

  • Acquérir une première expérience professionnelle par un stage ou une alternance si possible. À partir d’un certain âge, il devient plus difficile d’obtenir un stage sans être édudiant.e dans une école. Certaines écoles ne sont pas habilitées à proposer des conventions de stage. Sans accès à une convention de stage, il est toujours possible en tant qu’apprenant.e d’en obtenir un, bien que payant, auprès de certaines boîtes.
  • Se concentrer sur les postes juniors au niveau des candidatures.
  • Se familiariser avec le nouveau domaine. L’objectif est de réduire le décalage entre ce qui est attendu et ce qui a été fait pendant la reconversion et donc, de trouver les outils pour le faire (comme des tutoriels ou des formations en ligne).
  • Examiner les offres d’emploi actuelles. Elles mettent en lumière les outils et les compétences demandées qui prédominent à un instant donné.
  • Savoir présenter son profil et ses expériences. Il faut permettre aux recruteur.euses de projeter leurs attentes par rapport au parcours professionnel.

Pour aller plus loin

Comment négocier son salaire ?

Malgré la réputation du monde de la tech de fournir des salaires corrects, les offres dans le milieu du jeu vidéo ont tendance à profiter de la passion des candidat.es pour les sous-payer. 

Bien négocier son salaire passe par plusieurs choses :

  • Se renseigner sur sa valeur sur le marché, qui dépend à la fois de la zone géographique, du poste et du niveau de séniorité. Des outils comme Glassdoor permettent d’avoir accès à des fourchettes de salaire. Nous avons également les sondages annuels de Stack Overflow et CodinGame à l’échelle mondiale qui donnent la répartition des salaires par typologie de métiers ainsi que les offres d’emploi sur un poste similaire qui donne une fourchette de salaire.
  • Connaître son salaire actuel et être capable de le présenter.
  • Savoir ce que l’on va demander pour éviter de donner à l’entreprise l’opportunité de sous-payer.

Et si je souhaite travailler à l’étranger ?

Les procédures ne sont pas les mêmes selon la situation. Pour une personne résidant en France, le processus diffère en fonction du pays d’arrivée. En revanche, il est intéressant de profiter de la mobilité interne au sein d’entreprises internationales, comme Ubisoft, pour changer de pays. 

Il est très important de se renseigner sur les papiers nécessaires pour rester sur le sol ainsi que les compétences linguistiques requises.

Embauche des freelances

Les startups comme les grands groupes cherchent des freelances sur des sujets de niche. On trouve beaucoup de freelances dans les métiers du design. En game design, on retrouve plus de développeur.euses indépendant.es. Les sites dédiés : Malt ou Comet

Peut-on malgré tout trouver un emploi dans le jeu vidéo avec le contexte actuel ?

Les entreprises de la tech, grandement favorisées sur le plan du télétravail, ont continué à recruter y compris dans les jeux vidéo malgré la situation. Les entretiens en distanciel ainsi que les prises de poste à distance sont tout à fait possibles et relativement fréquents.

Et si on ne trouve pas d’emploi dans le jeu vidéo ?

Il faut se donner des délais clairs. Passer ces délais, il faut accepter d’ouvrir ses recherches, y compris à d’autres métiers. La mobilité interne, par exemple, est une façon d’obtenir le job voulu un peu plus tard en commençant dans l’entreprise ciblée sur un autre poste. 

Le monde de la tech étant en constante évolution, il est aussi possible de « créer » son métier. Les demandes de poste telles que Chief Diversity Officer, qui n’existaient pas il y a quelques années, sont aujourd’hui en plein boom. 

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Pour en savoir plus sur The Allyance, visitez leur site web ainsi que leur interview avec Jennifer Lufau, la présidente de l’association.