Dans le cadre du stream caritatif Furax, nous avons proposé sur la chaîne Afrogameuses une émission littéraire le dimanche 26 février de 13h à 16h. Au cours du stream et pendant tout le week-end, une cagnotte a été ouverte au profit de l’association Elles s’imaginent (présente également sur Instagram), engagée dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Cette association de terrain propose notamment de l’écoute au travers de groupes de parole, mais aussi une permanence juridique, et accompagne la reconstruction des personnes atteintes par ces violences.

Au cours de trois heures environ, nous avons présenté des livres sur le thème de Femmes, violence et colère. Retour sur l’ensemble des lectures soigneusement sélectionnées par notre équipe. Mais avant, retrouvez-nous sur les réseaux sociaux grâce aux liens suivants :

Bonne lecture !

Les livres présentés par Leiline

M’explique pas la vie mec ! (Rokhaya Diallo et Blachette)

  • L’autrice : Rokhaya Diallo est une journaliste française, militante féministe et antiraciste,  réalisatrice et l’autrice de plusieurs livres et documentaires engagés.
  • La dessinatrice : une dessinatrice qui dit “illustre[r] [s]a vie, [s]es inspis et [s]es coups de gueules.”
M’explique pas la vie mec
  • Avis : Un album pédagogique qui permet non seulement de repérer les comportements masculins toxiques, mais qui incite aussi les femmes à s’imposer et à s’exprimer dans les sociétés patriarcales. Les illustrations sont dynamiques, humoristiques et inclusives. Idéal pour commencer à se questionner sur la place des femmes de nos jours.

J’ai peur des hommes (Vivek Shraya)

  • L’autrice : une musicienne, écrivaine et artiste visuelle canadienne et professeure d’écriture créative. Elle a écrit une dizaine de livres, dont I’m Afraid of Men (J’ai peur des hommes). C’est le même titre que l’une de ses chansons tirée de son album Part-Time Woman.
J’ai peur des hommes
  • Avis : On est sur un essai. Je n’en lis pas souvent – pour ne pas dire jamais – car je l’appréhende au motif que cela s’adresse à un public savant. Finalement, je n’ai même pas vu défiler les pages tant la lecture était fluide ! Avec des mots simples d’une sincérité désarmante, Shraya nous (re)donne des pistes pour penser notre rapport au genre.
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Mais pourquoi reconnaît-on mon humanité seulement quand j’expose comment j’ai été victimisée et violentée ?

J’ai peur des hommes

Les livres présentés par Tubercule

Colossale (Rutile et Diane Truc)

TW : manipulation, troubles du comportement alimentaire.
Illustration du tome 1 de Colossale
  • L’illustratrice : Diane Truc est diplômée des Gobelins, animatrice 2D passionnée de catch et de musculation.
  • La scénariste : Rutile est publiée dès l’âge de 16 ans, a enseigné le scénario dans plusieurs écoles et est notamment fan de mousquetaires.
  • Résumé : Jade, l’héroïne, est une lycéenne évoluant dans un milieu plutôt fermé. Elle est l’héritière d’une famille aristocratique, sans-le-sou, focalisée sur un seul objectif : lui trouver un bon parti pour éviter la ruine. Afin de préserver son image de délicate jeune fille à marier, Jade cache sa passion secrète pour… la musculation !
  • Thématiques : Pression sur les femmes même d’un certain milieu, mariage, le rejet de ce qui sort de la place attendue, trouver sa place.
  • Avis :  Une BD drôle abordant des thèmes plus sérieux en gardant un certain équilibre. J’ai apprécié l’originalité du cadre (musculation et bourgeoisie du XXIème siècle à la Pinçon-Charlot), les relations entre les personnages qui évitent certains poncifs et la variété des corps.

Je serais tellement mieux chez moi à bosser mes squats… Le bruit des poids, l’odeur du métal… et au lieu de ça je dois me taper le 3ème rallye de ce mois-ci….

Colossale, Tome 1

Les filles de la chance (Charlotte Nicole Davis)

TW : mort, prostitution subie.
Les filles de la chance
  • L’auteur.ice : Charlotte Nicole Davis écrit des romans de science fiction et fantasy pour jeunes adultes. Iel vit à Brooklyn avec son chat et aime les romans contenant une carte illustrée.
  • Résumé : Dans cet univers de western aux éléments fantastiques, les inégalités sociales demeurent. Les familles les plus modestes envoient leurs filles dans des “maisons d’hospitalités”, en échange d’une indemnisation. Une fois leurs seize ans atteint, la compagnie de ces filles est proposée au client le plus offrant. Un groupe d’entre elles parvient à s’enfuir et tente de survivre dans ce monde hostile.
  • Thématiques : Sororité, survie, traumatisme, inégalités sociales.
  • Avis : Un roman prenant dans une société cohérente, on sent la recherche de l’auteur.ice sur les rapports sociaux aux USA. Les personnages sont touchants et réalistes.
    J’ai fortement apprécié le traitement d’événements traumatisants et des conséquences sur la santé mentale sans tomber dans des détails malsains et voyeuristes. Ce premier tome est concentré sur la survie individuelle, je recommande très fortement de lire également la suite, traitant cette fois de l’organisation collective !

Qu’ils aillent tous au diable. Voilà notre chance d’étriper l’un de ces salopards. Je ne vais pas la laisser passer.

Les filles de la chance

Les livres présentés par Moune

Femmes, race et classe (Angela Davis)

TW : racisme et suprématie blanche.

C’est un ouvrage sur la concurrence que les femmes blanches ont opposée aux Noirs, et surtout aux femmes noires pour avoir des droits aux États-Unis, sur la façon dont elles se sont alliées au suprémacisme blanc plutôt qu’aux femmes dans un contexte de déshumanisation et d’esclavage. Pour Angela Davis, une lutte efficace réussit dans la solidarité et contre le capitalisme. Il est très accessible, les termes qui peuvent être un peu techniques sont explicités.

Femmes, race et classe

Païerali (Miana Bayani)

TW : agressions physiques, islamophobie.

C’est une fiction de Miana Bayani sur Sofia, une jeune femme musulmane qui porte le voile, étudie à la fac de Nanterre et qui a été témoin de l’agression islamophobe d’une femme musulmane dans la rue. Elle s’inscrit à la boxe, où elle rencontre Ewen, qui est breton, avec qui elle va se lier d’amitié et ils vont s’échanger des connaissances et apprendre à se connaître à travers leurs histoires personnelles. L’autrice évoque le droit à la colère, l’injonction au calme et à l’adaptation (voire l’intégration) dont il est difficile de se détacher.

Païerali

Fattily Ever After (Stephanie Yeboah)

TW : grossophobie, racisme.

C’est un essai d’une blogueuse britannique sur les expériences particulières des femmes noires et grosses, surtout sur la grossophie, l’hypersexualisation et la désexualisation mutuelles, la représentation dans les médias et la culture, les origines du mouvement body positivity, le dating et l’hyperpigmentation. Elle mêle à la fois des témoignages personnels et une dimension plus globale avec des études et des interventions sur les différents sujets évoqués. 

Fattily Ever After

Felix Ever After (Kacen Callender)

TW : coming out forcé, transphobie.

Félix, un jeune homme trans noir, suit les cours d’été de son lycée pour décrocher une bourse d’études complète à l’université Brown quand il se fait outer par l’exposition de ses anciennes photos dans le hall et se fait harceler par une personne anonyme sur Instagram qui lui envoie des messages transphobes. Félix commence une investigation pour retrouver les coupables avec son meilleur ami Ezra, tout en se questionnant sur son identité tout le long du roman. Toutes les interactions ne sont pas hostiles puisque l’entourage de Félix est presque totalement queer, et ils se soutiennent dans leur apprentissage collectif d’identités queer.

Fattily Ever After

Grown (Tiffany D. Jackson)

TW : abus sexuels sur mineur, violences, séquestration, meurtre.

C’est une réécriture de l’histoire de R Kelly mais du point de vue d’une jeune fille noire, Enchanted, qui veut devenir chanteuse et rencontre Korey Fields, une star dans le R&B, qui la prend sous son aile en lui promettant monts et merveilles. 
Avertissement : les violences sont très graphiques et détaillées mais traduisent très bien le phénomène d’emprise, de manipulation et l’escalade de violence qui sont permises par les adultes autour d’Enchanted. 
Avec l’autorité qu’il représente, l’influence qu’il peut avoir sur la carrière d’Enchanted, on voit comment elle est isolée de son entourage et se sent obligée d’accepter de plus en plus de choses, essaye de rationaliser les violences par l’amour, l’impulsivité ; mais ce n’est pas laissé en roue libre ni normalisé, il y a des adultes qui font office de boussole morale et qui essayent de la sauver et surtout qui mettent la faute sur Korey Fields.

Grown de Tiffany D. Jackson

La Cage dorée (Camilla Läckberg)

TW : violences conjugales, manipulation, féminicides, meurtres, grossophobie.

Camilla Läckberg, autrice de polars scandinave (suédoise), est connue pour sa série sur Erica Falck et Patrick Hedström. La Cage dorée est le début d’une nouvelle saga dont le tome 2 est sorti l’année dernière. Faye et Jack ont une vie parfaite jusqu’à ce qu’il la trahisse et qu’elle se retrouve à la rue. Elle aborde les violences conjugales dans une société riche de Stockholm avec énormément de tabous et des violences qui sont majoritairement de l’ordre du psychologique, de l’exploitation, avec des femmes isolées socialement, mises en concurrence par leur apparence, rabaissées constamment par leurs maris et dépendantes financièrement donc ne peuvent partir qu’au prix de leur confort de vie. Le phénomène est abordé comme touchant énormément de femmes de tout âge. 

La cage dorée

Les livres présentés par Alichi

Précis de culture féministe pour briller en société patriarcale (Sabrina Erin Gin)

  • Résumé : Il s’agit d’un essai d’introduction au féminisme qui reste très plaisant à lire, même en tant que militante aguerrie. Il a la particularité de prendre un ensemble d’anecdotes, des histoires étonnantes et méconnues afin d’expliquer ce qu’est l’objet du féminisme. Pourquoi se bat-on pour les droits des minorités de genre ? Grâce aux exemples percutants du livre, vous pourrez facilement déconstruire la rhétorique anti-féministe qui se diffuse si facilement au quotidien (d’où le titre !).
  • Thématiques : Violences sexuelles et sexistes, contrôle du corps des minorités de genre, santé mentale, masculinité toxique et émancipation pour en citer quelques-unes.
  • Avis : Je suis une adepte du compte Instagram de l’autrice, mais ce qui m’a le plus convaincue dans son essai est son accessibilité : c’est un livre à (s’)offrir parce qu’il ouvre des portes à de nombreuses réflexions en peu de pages. Surtout, c’est un essai introductif qui n’en est pas moins radical, en prenant en compte les effets individuels et collectifs du patriarcat.

En proie au silence (Akane Torikai)

TW : scène de viol au premier tome, violences sexuelles et sexistes explicites et graphiques.
  • Résumé : Misuzu est enseignante au lycée, et son quotidien finit de s’écrouler lorsque Minako, sa meilleure amie, lui annonce son futur mariage. En effet, Hayafuji, le petit ami de Minako, n’est autre que le violeur de Misuzu, sur laquelle il conserve une relation d’emprise tenue secrète. C’est le début d’une prise de conscience et d’une reconstruction pour Misuzu. On suit son cheminement, mais aussi celui de ses élèves dans leurs premières expériences affectives.
  • Thématiques : Les rapports femmes-hommes dans la société japonaise, l’invisibilisation des corps féminins, le consentement, la charge mentale, la justice.
  • Avis : Je ne recommande pas cette œuvre à un public sensible. La démarche de l’autrice est celle d’un dévoilement : les violences sont montrées sans fard afin d’interpeller. C’est un manga qui a été publié en tant que seinen, dans une revue destinée aux jeunes hommes, ce qui était un choix de l’autrice dans l’espoir d’impliquer les hommes dans la réflexion sur la violence sexiste. Pour soutenir cet engagement, les 8 tomes que forment la série sont dotés d’un dessin réaliste de qualité ainsi que d’une écriture nuancée avec des personnages ambivalents qui suivent leurs intérêts. C’est une série dont j’aime le ton à la fois amère et juste.

 

 

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